« Que faut il faire pour avoir sa photo au mur ? » j’ai fini par demander après dix ans de questionnement et d’espérance. « C’est simple, Il suffit de fournir une photo » me répondit l’homme au tsipouro. « Et, c’est tout ? » « Oui, quoi d’autre ? Une photo… » J’étais persuadé qu’il fallait avoir accompli un acte de bravoure, avoir eu un geste héroïque, avoir pêché un monstre des mers, séduit un grand nombre de touristes…
« Qui est l’homme sur la photo ? » j’ai fini par demander, après avoir été tenaillé par le doute… pointant une photo en noir et blanc d’un homme en uniforme portant un étrange chapeau… L’homme au tsipouro baissa le regard dans son verre… « Mussolini » me répondit un autre homme, celui-ci était à l’eau, sa réponse était donc vraisemblablement fiable et elle convergeait avec mes craintes. « Tous le monde est passé par là » ajouta un autre pour justifier l’étrange portrait, comme pour dire « on n’est pas là pour juger mais pour répertorier, relater ». Entre des photos de rois et de reines, de pachas et de sultans, d’anonymes et de simples voisins, tout en haut du mur, tutoyant le plafond, s’est nichée le portrait officiel de l’un des pires tyrans du siècle passé.
S’il est aussi simple d’être admis dans ce club, si on est aussi peu regardant sur les membres, postuler pour être en si douteuse compagnie… Je savais que je baissais les bras face à la difficulté, ce matin là j’ai appris que je me décourageais aussi face a trop de facilité. Mieux vaut baisser les bras que de tendre le bras droit. Parfois baisser les bras revient à lever les mains.