Tu comprends

Tu comprends, ici ce n’est plus vraiment l’Europe et pas encore l’Asie, c’est la fin de quelque chose et le début de quelque chose de beaucoup plus grand. C’est un lieu indéfini, les derniers soubresauts d’un vieux continent qui se perd dans une multitude de rochers. Les îles de la discordes qu’on se dispute pour y planter son drapeau. Des îles de malheur plutôt que d’autre chose, les vagues s’y brisent plus fort qu’ailleurs, pas d’eau mais des moustiques. La vie s’y accroche comme dans d’autres environnements hostiles, volcans, grottes, abysses, par défi, un pied de nez au sort. Alors on y vit malgré tout, et plutôt bien que mal car si chaque chose est un défi chaque chose est une victoire. On y vit sous perfusion, le bateau est une assistance respiratoire qu’il ne faut pas couper trop longtemps, chaque jours de passé est un jour de gagné. La vie est tenace. Quand le vent se lève la brume masque l’horizon, on perd de vue le continent d’en face et les îles sœurs semblent plus lointaines que jamais.
Au sommet de la montagne, là où la route dessine une boucle, un vieux pickup Datsun s’arrête, un vieil homme en descend, prend quelques poissons dans le coffre et les jettes aux mouettes et aux chats. Ça a tout l’air d’un rendez-vous quotidien. Une offrande pour expier d’obscurs pêchés. Il faut être animiste pour vivre ici, l’orthodoxie ne suffit plus. Le prêtre lui même a renoncé, on le surprend à réparer de frigos et à vendre des billets de bateau sur le port. Un aller simple pour le paradis. Un sacerdoce à temps partiel. On s’adapte, l’animal évolue.
Dans les criques les épaves sont récentes, sur la plage on compte les gilets de sauvetage éclatés par la tempête et brûlés par le soleil, l’Antiquité c’est du passé, ici les rêves se brisent au présent.

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