Yassonas fait le point sur la lune, le trépied est resté à Thessalonique, il prend appui sur un arbre coupé, deux paires de lunettes sur le nez, une pour la myopie pour viser l’astre, une pour la presbytie pour l’écran, ce sont ses doubles foyers, Thessalonique où il n’est plus qu’un touriste lorsqu’il y retourne et Tahiti où il vit depuis huit ans, loin de tout et proche de lui même. Pendant qu’il déclenche il m’explique le sens des mots, le sens des mots qui se ressemblent.
Cet après midi au minimarket la télé était allumée comme toujours, les étagères sont à moitié vides et la principale marchandise disponible est le soap opera. C’était l’heure des infos, l’inscription au bas de l’écran indiquait Tragodia, je ne savais si c’était la Tragoudia signifiant chanson ou la Tragédie… après vérification il s’agissait d’un fait divers, une mère a jeté son enfant par la fenêtre avant de franchir le pas elle même. Le trottoir ne pose jamais de lapin. La chanson était triste.
Sur le chemin du retour, le moteur coupé dans la descente, je me souviens que mon chauffeur est un photographe aveugle, la vitesse m’effraie, je lance un regard inquiet au compteur de vitesse, l’aiguille est bloquée à zéro, la vieille Hyundai rouillée choisit seule sa trajectoire et son rythme. Sur le bord de la route, devant l’hôtel, Yassonas et moi convenons de nous retrouver prochainement, la lune sera là demain aussi.